Locomotives : la tête et les muscles du transport ferroviaire

Qu'elles tirent des trains de marchandises ou transportent des passagers, les locomotives sont les génératrices électriques intelligentes du réseau ferroviaire. Frank Schleier, Vice-Président de la plateforme Locomotives chez Alstom, travaille depuis vingt ans avec  ces poids lourds du rail, et explique comment ces "bêtes de somme" deviennent de plus en plus vertes grâce à des innovations constantes. 

Frank Schleier headshot locomotive interview

Frank Schleier dirige la plateforme Locomotives d’Alstom. Il a commencé sa carrière en tant qu’ingénieur électricien en 1992, auprès de différentes industries pour des projets internationaux, dans la gestion d’appels d’offres, les ventes et la gestion de projets. Il y a vingt ans, Frank a rejoint l'industrie ferroviaire et depuis, les locomotives ne l’ont plus quitté. C’est en passant par des postes de direction dans la gestion de projets, la gestion de produits et l'ingénierie, qu’il a trouvé son chemin vers son poste actuel. Depuis 2020, Frank Schleier dirige la partie dédiée au véhicules ferroviaires électriques au sein de l'association professionnelle ZVEI. Comme il voyage beaucoup, il essaie de réserver son temps libre à la pratique de loisirs tels que les promenades à vélo électrique, les jeux de cartes en famille et entre amis, et les randonnées en forêt ou à travers les vignobles à côté de chez lui.

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Qu'est-ce qui rend les locomotives si uniques, par rapport à d'autres types de véhicules ferroviaires ?

La locomotive est le cerveau du train et elle est dotée d’une puissance qui permet de tirer tous les wagons qui composent le train. Une locomotive doit être très lourde pour obtenir la force de traction nécessaire appliquée aux rails, et elle se trouve généralement à l'avant du train. En comparaison, d'autres types de trains, tels que les trains à grande vitesse, les métros ou les monorails, sont fabriqués sous forme d'unités électriques multiples (EMU), dont chaque voiture dispose de sa propre source d'énergie. La plupart de nos locomotives sont électriques et 80 % d'entre elles sont utilisées pour le transport de marchandises. Une locomotive de fret électrique européenne standard à 4 essieux dispose d’une force de traction de 300 kilonewtons et peut potentiellement tirer 60 ou 70 voitures en fonction de la charge de chaque voiture. En revanche, avec des locomotives dédiées à la traction de convois lourds, nous pouvons facilement aller jusqu'à 120-150 voitures avec un tonnage de 3 000 à 4 000 tonnes.  

Quels sont les types de locomotives proposés par Alstom ?

Le nouveau portefeuille d'Alstom couvre pratiquement tous les types de locomotives, avec les petites locomotives de manœuvre, les locomotives pour grandes lignes, les locomotives pour passagers et les locomotives pour trains lourds. Les différentes utilisations impliquent des technologies différentes. Les trains de marchandises n'ont besoin que d'un couplage et d'une conduite de frein pour être reliés à d'autres voitures. En revanche, une locomotive de train de voyageurs a besoin de beaucoup plus de fonctionnalités, telles que des systèmes d'information des passagers, des systèmes d'ouverture des portes, ainsi qu'un système de chauffage et de climatisation, tous fournis par la locomotive.  

...et quelles sont les technologies innovantes que l’on peut trouver dans nos locomotives ?

Pour certains clients, nous avons mis au point une locomotive universelle qui peut être utilisée pour le transport de passagers le jour et pour le transport de marchandises la nuit, ce qui permet un retour sur investissement plus rapide.  

Nous avons également développé la fonctionnalité "dernier kilomètre" pour les trains de grandes lignes, en ajoutant un petit moteur diesel afin qu'ils puissent manœuvrer sans avoir besoin d'une locomotive de manœuvre. L'étape suivante, sur laquelle nous travaillons déjà, est le bloc-batterie du dernier kilomètre qui remplacera le moteur diesel. 

Toujours en Europe, Alstom est un précurseur dans la fourniture d'équipements de signalisation Atlas™ pour le système européen de contrôle des trains (ETCS), que nous introduisons sur la plateforme Traxx™. 

L'étape suivante est l'exploitation automatisée des trains. Les premiers tests ont déjà été réalisés avec succès aux Pays-Bas ces six derniers mois. Nous étudions à présent la manière d'intégrer ce système dans le cadre d’une exploitation réelle : par exemple, sur une simple ligne, sans interconnexions. 

Une autre innovation que nous commençons à introduire est un coupleur automatique numérique. Actuellement, le couplage est une opération manuelle, mais à partir de 2025/26, nous lancerons le premier essai de couplage automatique numérique en Europe, sur une ligne de fret. 

Les plus grands succès des locomotives Alstom se trouvent en Europe, en Inde et au Kazakhstan. Pouvez-vous nous expliquer comment nous sommes devenus leader sur le marché dans ces régions ?

Souvent, nous avons la meilleure réponse aux spécifications techniques du client parce que nos produits sont, dans certains cas, supérieurs à ceux de la concurrence. Nous sommes également très bons en matière de localisation. Prenons l'exemple de l'Inde : nous avons construit une usine de locomotives dans le Bihar, l'un des États les plus pauvres de l'Inde, ce qui a permis de donner une impulsion à l'économie locale, avec l’ouverture de magasins, la création d’écoles, de services médicaux et d’un centre de formation, tout en fournissant de l'électricité aux villages avoisinants. C'est là qu'Alstom peut faire la différence, et nous sommes heureux de cette contribution.. 

Un autre facteur est la diversité des écartements et des normes ferroviaires. Tous ces pays ont des largeurs entre les voies et des normes différentes, et nous pouvons nous adapter à tous les marchés. 

Enfin, nous avons des équipes de services dans le monde entier. Si une locomotive a une durée de vie de 30 ans, les systèmes informatiques vont évoluer avec le temps. Nos équipes trouveront des solutions pour que le client soit servi pendant toute la durée de vie de la locomotive. Là encore, tout le monde n'est pas en mesure de le faire. 

Quels sont les principaux projets que vous allez réaliser et en quoi sont-ils intéressants ?

Tout d'abord, en Europe, nous continuons à livrer la flotte Traxx et nous installons progressivement l'équipement de signalisation Atlas.  

Ensuite, la locomotive WAG-12 que nous fournissons à l'Inde est unique. Le ministre indien des transports a déclaré qu'il s'agissait de la meilleure locomotive du marché. Nous dépassons nos objectifs en termes de performances contractuelles et le programme prévoit la construction de 110 locomotives par an, et ce pendant encore six ans. Le marché indien connaissant une croissance exponentielle, il y aura une demande supplémentaire d'environ 3 000 locomotives au cours des six prochaines années. 

En Afrique du Sud, la locomotive que nous avons fournie est une un produit véritablement imposant : il s’agit d’une locomotive à 6 essieux sur une voie d'un mètre d'écartement, de la même taille qu'un tramway, tirant 4 000 tonnes de charbon. La production de cette locomotive est locale à 90 % et nous avons été cités au Parlement comme étant la seule entreprise sur quatre à avoir atteint cet objectif.. Cela nous donne des opportunités d'affaires avec des clients privés qui émergent à la suite de la libéralisation du marché. 

Quels développements sont attendus pour les locomotives dans un avenir proche ?

En Europe, nous nous efforçons d'améliorer les performances et de réduire la consommation d'électricité. Nous avons une longue liste d'idées qui pourraient réduire la consommation d'électricité de 7 à 8 %, par exemple en aidant les conducteurs à déterminer la meilleure façon de freiner.  

Nous travaillons également sur la technologie des piles à combustible pour les locomotives qui n'utilisent pas d'électricité verte. Par exemple, sur le marché nord-américain, l'électrification serait trop coûteuse car le réseau est trop étendu. D'ici 2 à 3 ans, nous aurons les premiers prototypes qui seront testés sur les voies. Nous travaillons également sur une solution visant à remplacer les moteurs diesel par des batteries. Ces solutions hybrides permettent un gain d'efficacité de 35 à 40 %. La deuxième étape consiste toujours à intégrer ces innovations sur nos produits, que ce soit sur le neuf ou l’existant.